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Introduit par l'article 35 de la loi de finances pour 2024 (L. n° 2023-1322, 29 déc. 2023 : JO 30 déc. 2023, texte n° 1) qui crée un nouvel article 244 quater I au sein du Code général des impôts (CGI), le crédit d'impôt au titre des investissements dans l'industrie verte (dénommé « C3IV ») est un dispositif d'aide temporaire (applicable aux projets agréés jusqu'au 31 décembre 2025 : CGI, art. 244 quater I, XI) en faveur des entreprises réalisant des investissements dans les énergies renouvelables en France métropolitaine et en Outre-mer. Dans le prolongement d'autres crédits d'impôts (comme le crédit d'impôt recherche (CIR) ou le crédit d'impôt en faveur de la création de jeux vidéo, etc.), il permet aux entreprises de réduire le coût de certains investissements et pourrait également permettre, sous certaines conditions, de préfinancer certaines de leurs dépenses en mobilisant les créances de paiement du C3IV.
1. L'impôt sur les sociétés
Le régime de crédit d'impôt industrie verte est entré en vigueur le 14 mars 2024, selon un décret paru le 13 mars 2024 au Journal officiel (D. n° 2024-212, 11 mars 2024, fixant la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives au crédit d'impôt au titre des investissements dans l'industrie verte prévues à l'article 35 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 : JO 13 mars 2024, texte n° 1). La Commission européenne avait en début d'année (Comm. UE, déc. SA.109334 : JOUE n° C, 18 janv. 2024) donné son feu vert à ce programme d'un montant de 2,9 milliards d'euros adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2024 et dont l'examen des demandes d'agrément a déjà débuté. Nous vous proposons un mode d'emploi de ce nouveau crédit d'impôt et un éclairage sur les usages bancaires de la cession de la créance sur l'État y relative.
2. Champ et modalités d'application du C3IV
A. – Les entreprises pouvant bénéficier du C3IV
Ce crédit d'impôt est ouvert aux entreprises industrielles et commerciales (hors entreprises en difficulté : les entreprises en difficulté sont celles regardées comme telles au sens de l'article 2 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 - dit « RGEC » - prorogé par le règlement UE/2023/1315 du 23 juin 2023), imposées d'après leur bénéfice réel, ou exonérées en application de certains régimes légaux (entreprises nouvelles, jeunes entreprises innovantes, zones franches urbaines, etc.).
La loi se veut vertueuse : les entreprises candidates au C3IV doivent nécessairement respecter leurs obligations fiscales et sociales, ainsi que l'obligation de dépôt de leurs comptes annuels. Elles doivent également exploiter les investissements, dans le cadre d'une activité ayant obtenu les autorisations requises par la législation environnementale (autorisation environnementale unique, autorisation au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, autorisation au titre de la loi sur l'eau (IOTA), etc.), de manière conforme à cette législation.
Pour éviter un effet d'aubaine en cas de transfert d'activité, les entreprises candidates au C3IV ne doivent pas avoir transféré depuis l'étranger (Union européenne ou Espace économique européen), au cours des deux exercices précédant la demande d'agrément, des activités identiques ou similaires à celles ouvrant droit au crédit d'impôt ; de même, elles ne doivent pas transférer à l'étranger lesdites activités au cours des cinq exercices suivant la mise en service des installations concernées par le C3IV. Une durée minimale d'exploitation en France de 5 ans est aussi prévue, ramenée à 3 ans pour les petites et moyennes entreprises européennes définies par l'annexe I du RGEC.
B. – Activités ouvrant droit au C3IV
Les dépenses d'investissement visées sont celles, autres que de remplacement, engagées pour des activités contribuant à la production de batteries, de panneaux solaires, d'éoliennes ou de pompes à chaleur (CGI, art. 244 quater I, II). À noter, les filières de production des électrolyseurs et des équipements pour le piégeage, l'utilisation et le stockage du dioxyde de carbone ne font pas partie des activités éligibles au C3IV.
Les dépenses qui ouvrent droit au crédit d'impôt sont celles engagées pour la production ou l'acquisition auprès d'une entreprise non liée (au sens de CGI, art. 39, 12) d'actifs corporels ou incorporels.
Les actifs corporels sont les bâtiments, les installations, les équipements, ainsi que les machines et les terrains d'assise nécessaires au fonctionnement des équipements (A. 11 mars 2024 (NOR : ECOE2335246A), publié le 13 mars 2024, détaille les équipements, composants essentiels et matières premières utilisés dans le cadre des activités contribuant à la production de batteries, de panneaux solaires, d'éoliennes ou de pompes à chaleur, concernés par ce dispositif). Les actifs incorporels concernés sont les droits de brevet, licences, savoir-faire ou autres droits de propriété intellectuelle. Les dépenses peuvent aussi se rapporter à des autorisations d'occupation temporaire du domaine public constitutives d'un droit réel.
Sont en pratique visées les dépenses d'investissement qui entraînent un accroissement de la capacité de production.
C. – Nécessité d'un agrément ministériel préalable
Un agrément préalable à l'opération doit être obtenu auprès du ministre chargé du Budget, portant sur le plan d'investissement de l'entreprise (CGI, art. 244 quater I, VIII). L'agrément est délivré ou refusé dans les 3 mois du dépôt de la demande (CGI, art. 244 quater I, VIII-E). Outre les conditions précitées tenant à l'entreprise et à l'opération, l'entreprise doit prouver que le plan d'investissement est économiquement viable, étant observé que l'agrément préalable est de droit lorsque ces conditions cumulatives sont respectées.
Le non-respect des conditions d'octroi de l'agrément postérieurement à la délivrance de ce dernier entraîne son retrait et la déchéance des avantages fiscaux assortie des intérêts de retard prévus à l'article 1727 du CGI (CGI, art. 1649 nonies A), l'Administration ayant un délai qui se prescrit à la fin de la troisième année suivant celle du non-respect des conditions d'octroi du C3IV (sauf exception en cas de fusion, scission ou apport partiel d'actifs placé sous le régime de faveur des articles 210 A ou 210 B du CGI, si le bénéficiaire de la transmission s'engage à en maintenir l'exploitation dans le cadre d'une activité éligible pendant la fraction du délai minimal d'exploitation restant à courir).
D. – Assiette et calcul du crédit d'impôt
L'assiette du crédit d'impôt (définie par les dispositions de l'article 244 quater I, III du CGI) est constituée des dépenses engagées dans le cadre du plan d'investissement soumis à l'agrément (V. ci-avant). Ces dépenses sont prises en compte dès la date de réception de la demande d'agrément, à hauteur du prix de revient minoré des taxes et frais de toute nature, à l'exception des frais directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien. Elles sont réduites du montant des aides publiques reçues (y compris les aides publiques fiscales).
Le taux du crédit d'impôt est en principe de 20 %, mais il peut être majoré selon la localisation des investissements ou le type d'entreprise réalisant les investissements (porté à 25 %, voire 40 % pour les investissements ultramarins) et/ou selon la taille de l'entreprise (majoration de 10 ou 20 points selon que l'entreprise est une moyenne ou petite entreprise répondant à la définition européenne : Comm. UE, recomm. 2003/361/CE, 6 mai 2003) (CGI, art. 244 quater I, V).
Le montant total du crédit d'impôt ne peut en principe excéder 150 millions d'euros par entreprise (CGI, art. 244 quater I, VI), porté à 200 voire 350 millions en fonction des zones de réalisation des investissements. Des règles spécifiques de cumul des aides d'État sont prévues par le texte.
Le crédit d'impôt s'applique par fractions au titre des exercices ou des années au cours desquels les dépenses du plan d'investissement agréé sont engagées, en appliquant le taux de crédit d'impôt mentionné dans la décision d'agrément (CGI, art. 244 quater I, IX). En l'absence de cession de la créance de crédit d'impôt à un tiers, chaque fraction du crédit d'impôt est imputée sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise au titre de l'exercice au cours duquel ces dépenses sont engagées, ou sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses mentionnées dans le plan d'investissement sont engagées.
3. Utilisations du crédit d'impôt en matière de financement
La fraction du crédit d'impôt qui excède l'impôt dû, au titre de l'année ou de l'exercice, est restituée immédiatement. En principe inaliénable et incessible, la créance résultant de l'excédent de crédit peut cependant être mobilisée dans les conditions prévues par les articles L. 313-23 à L. 313-35 du Code monétaire et financier (cession « Dailly ») (les modalités d'utilisation du C3IV sont fixées par les dispositions de l'article 244 quater I, IX du CGI), autorisant la cession à un établissement de crédit, une société de financement ou certains fonds (comme les organismes de titrisation ou les organismes de financement spécialisés).
Cette créance sur l'État représente ainsi une opportunité pour les entreprises en leur permettant d'une part, de monétiser ladite créance dans le cadre d'une opération d'escompte (cession de créances consentie en contrepartie du paiement d'un prix) ou d'autre part, de céder ladite créance à titre de garantie d'un financement consenti par l'établissement cessionnaire.
Ces utilisations posent la question de la cession de ces créances alors qu'elles sont encore en germe. Sur le plan des principes, la loi de finances pour 2024 ne prévoit pas de régime spécifique pour la mobilisation de créances futures (comme elle avait pu le faire pour les créances de crédit d'impôt compétitivité emploi - CICE). Cependant, la pratique et, de manière directe ou indirecte, l'Administration elle-même, ont admis la possibilité de céder des créances de crédit d'impôts, alors même que la loi ne prévoyait pas explicitement cette option (à propos du crédit d'impôt en faveur de la création de jeux vidéo, l'administration fiscale avait en effet précisé que la mobilisation concerne non seulement les créances exigibles mais également les créances futures correspondant à l'excédent estimé de crédit d'impôt sur l'impôt estimé au titre de l'exercice : Rép. min. n° 44992 : JOAN 23 févr. 2010, Martin-Lalande. On notera toutefois que cette réponse ministérielle n'a pas été expressément reprise au Bofip). Cette analyse est cohérente avec les dispositions de l'article L. 313-23 du Code monétaire et financier, selon lequel peuvent être « cédées ou données en nantissement les créances liquides et exigibles, même à terme » ou « résultant d'un acte déjà intervenu ou à intervenir mais dont le montant et l'exigibilité ne sont pas encore déterminés ».
La reconnaissance par l'administration fiscale de la possibilité de céder des créances en germe est importante. En effet, si la cession de la créance future n'est pas rendue opposable à l'Administration, cette dernière compensera ce crédit d'impôt avec les sommes dues par son titulaire initial au titre de son impôt sur les sociétés.
La mobilisation de créances de C3IV pose également la question de la conditionnalité du crédit d'impôt. En effet, comme on a pu le voir, le maintien du bénéfice d'un C3IV dépend de multiples conditions prévues par la loi et/ou dans l'agrément ministériel. En cas de manquement à ces conditions, le C3IV disparaît et rien dans la loi ne permet de penser que le cessionnaire d'une créance de C3IV pourrait échapper à cette disparition. Il s'agit d'un point particulièrement important pour la « bancabilité » des créances de C3IV, puisque la reconnaissance et le paiement de la créance dépendent in fine du comportement du cédant, nonobstant le transfert de propriété de la créance au cessionnaire. Ainsi, il conviendra pour le cessionnaire de contrôler la manière dont le cédant remplit ses obligations légales en qualité de redevable ou au titre de l'agrément ministériel, afin de préserver l'intégrité de son actif.
Au-delà de ces spécificités, la mobilisation de créances de C3IV conserve de multiples intérêts. D'une part, il permet de lever des financements par le transfert (à titre d'escompte ou de garantie) d'un actif de bonne qualité. D'autre part, ces financements peuvent parfois être obtenus à des conditions plus favorables, puisque le cessionnaire des créances prend un risque sur le débiteur de la créance, c'est-à-dire l'État, risque généralement plus faible que celui pris sur le cédant, tout en ayant la possibilité de conserver un recours contre le cédant en cas de contestation par l'État de son obligation de payer la créance de crédit d'impôt.
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