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Gwenola Joly-Coz première présidente de la cour d'appel de Poitiers et Éric Corbaux procureur général près la cour d'appel de Poitiers.
Comment mieux juger ? La justice est interpellée de toute part. Elle doit s'adapter, innover, se réinventer, emportée par la conversation mondiale.
Elle doit d'abord prendre en compte le dynamisme notionnel des dernières années et intégrer les approches théorisées par les universitaires dans leurs analyses des dossiers de violence. Le contrôle coercitif, stratégie de l'agresseur, fondée sur la surveillance et la micro-régulation du quotidien des femmes. Dans une approche de politique judiciaire, le parquet général a identifié et audiencé des dossiers susceptibles de contenir cette notion.
Le 31 janvier 2024 la cour d'appel de Poitiers, sur des réquisitions circonstanciées du procureur général a rendu cinq arrêts qui à l'issue de la caractérisation des infractions pénales, les contextualisaient dans le concept psycho-social de contrôle coercitif. Ce corpus de décisions fait entrer dans le droit positif une notion qui trouve une application directe dans le jugement des violences. Les éléments de preuve sur les multiples agissement, cumulatifs, figurent au dossier pénal. La cour constate dans chaque espèce que « les agissements de Monsieur sont divers et cumulés. Pris isolément, ils peuvent être relativisés. Identifiés, listés et mis en cohérence, ils forment un ensemble : les outils du contrôle coercitif. Ils visent à piéger la femme dans une relation où elle doit obéissance et soumission à un individu qui s'érige en maître du domicile et du fonctionnement familial. ».
Les victimes et les avocats expliquent que les approches séparées des aspects civils et pénaux des dossiers sont une source d'incompréhension et de sur-victimation. Les champs de compétences éclatés et une temporalité non maitrisée conduisent à un épuisement judiciaire des victimes. L'émiettement des décisions, dans des calendriers déconnectés sont les sources, connues et repérées, de l'incohérence judiciaire. La summa divisio civil/pénal est un obstacle à l'idée d'une justice résolutive de problèmes. Les structures empêchent de prendre en compte la réalité de la situation.
Nous pouvons innover pour éviter cette judiciarisation « concurrente ». La création d'une chambre VIF (violences intrafamiliales) à la cour d'appel de Poitiers a été le lieu d'une expérimentation, à droit constant, d'un jugement commun des faits pénaux et du dossier familial. Dans deux audiences successives, est abordée la situation dans son ensemble. Une seule collégialité de trois magistrats connait des deux aspects, artificiellement séparés, de la même réalité humaine. Le parquet général, qui a en amont identifié les dossiers, tient le siège du ministère public dans les deux audiences et assure le respect du contradictoire par la circulation des dossiers. La loyauté des débats, permettant aux avocats de s'exprimer en pleine connaissance de l'intégralité des pièces, est complète. Les arrêts, pénal et civil, rendus le même jour sont alors d'une remarquable cohérence. La résidence des enfants, l'autorité parentale, les droits de visite et d'hébergement, sont conçus à l'aune des infractions pénales commises.
Innover jurisprudentiellement et expérimenter juridictionnellement sont deux avancées dans la lutte effective contre les violences faites aux femmes.
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