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À l’heure où la laïcité occupe une place centrale dans le débat public, tout en faisant l’objet de nombreuses approximations, les Éditions LexisNexis publie le premier Code de la laïcité et du fait religieux, un outil inédit conçu pour rendre ce droit plus accessible, intelligible et opérationnel. Réalisé par une équipe de plus de trente auteurs, ce Code rassemble et organise pour la première fois un ensemble éclaté de textes, de jurisprudences, de circulaires et de textes de droit souple, et les éclaire par des commentaires doctrinaux rigoureux et pédagogiques. Bien plus qu’un simple recueil, l’ouvrage propose une vision transversale et contextualisée du principe de laïcité et de la gestion du fait religieux, permettant aux praticiens, aux référents laïcité, aux universitaires comme aux décideurs publics d’en appréhender toute la richesse, les enjeux contemporains et les subtilités juridiques. Une référence indispensable pour comprendre, appliquer et enseigner un principe fondateur de notre République.
Quelle réflexion doctrinale et quels enjeux contemporains ont conduit à la création du Code de la laïcité et du fait religieux ? En quoi ce projet s’inscrit-il dans la tradition française de codification et répond-il à une nécessité juridique et sociétale ?
Les auteurs : La création du Code de la laïcité et du fait religieux repose sur un double constat : celui d’une méconnaissance du droit de la laïcité et de l’éclatement de ses sources. D’abord, le principe de laïcité est trop souvent mal compris, présenté parfois comme un principe liberticide, ce qui va à l’opposé de ce que souhaitaient les rédacteurs de la loi du 9 décembre 1905. À l’époque, le rapporteur de la loi Aristide Briand affirmait que « toutes les fois que l’intérêt de l’ordre public ne pourra être légitimement invoqué, dans le silence des textes ou le doute sur leur exacte application, c’est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur ». Depuis son origine, il est aussi assimilé faussement au principe de neutralité des services publics et des personnes publiques, « corollaire du principe d’égalité » selon le Conseil d’État, qui « impose aux autorités administratives et à leurs agents de n’agir qu’en tenant compte des exigences de l’intérêt général » (Circ. 28 mars 2001, n° 2001-053, MEN). La neutralité ne se réduit donc pas à limiter l’expression des convictions religieuses des agents, elle se traduit plutôt par un devoir de stricte neutralité confessionnelle, politique, philosophique et même commerciale, bien éloignée du fait religieux.
Ensuite, les textes et jurisprudences ayant la laïcité et/ou le fait religieux pour objet forment désormais un archipel normatif qui ne cesse de s’étendre, accentuant ainsi les incompréhensions et zones d’ombre à son égard. Dès lors, la parution du Code de la laïcité et du fait religieux vise à satisfaire l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité du droit, lequel constitue une exigence démocratique. Plus encore, il s’agit de favoriser une meilleure connaissance du droit dans un contexte où les interprétations conflictuelles sont légion.
Ce projet éditorial est original dans la mesure où il s’éloigne de la codification à droit constant, processus soumis à validation législative qui « rassemble et classe dans des codes thématiques l’ensemble des lois en vigueur ». Le Code de la laïcité et du fait religieux a été réalisé en suivant la méthode de la « codification-consolidation », laquelle renvoie au regroupement de textes relatifs à un même objet selon un ordre logique. En revanche, nous avons souhaité aller plus loin que la méthode de la « codification-compilation » : cette dernière a pour objectif de juxtaposer des textes sans réel ordonnancement. En somme, le Code de la laïcité et du fait religieux est moins qu’un code de législateur, mais plus qu’un recueil de textes. Et surtout, la richesse des commentaires rédigés par une équipe de plus de trente auteurs inscrit résolument cet ouvrage dans la catégorie hybride du « code d’éditeur ».
À qui s’adresse ce Code et comment peut-il aider les acteurs de terrain à comprendre et appliquer le principe de laïcité au quotidien ?
Les auteurs : Le Code s’adresse aux praticiens, en particulier aux professionnels de la justice confrontés à des questions en lien avec le fait religieux dans le cadre de leurs fonctions, ainsi qu’aux référents laïcité obligatoirement nommés dans chaque Administration. Depuis la loi du 24 août 2021, ces référents ont pour mission de conseiller les fonctionnaires et les chefs de service sur le respect du principe de laïcité et d’organiser une journée de la laïcité le 9 décembre de chaque année. Astreints à la discrétion et au secret professionnel, ils sont appelés à répondre aux sollicitations des chefs de service et agents publics, à procéder à l’analyse des situations et y apporter une réponse, qu’elles soient d’ordre général, en lien avec une situation individuelle, ou en rapport avec une difficulté dans l’application du principe de laïcité, entre agents ou entre un agent et des usagers. Ils doivent aussi sensibiliser à ce principe l’ensemble des agents publics de leur Administration et rendre un rapport annuel d’activité. Le Code pourra donc les accompagner dans chacune de ces missions.
En outre, cet ouvrage constitue un outil pour la formation professionnelle, notamment au sein des diplômes universitaires centrés sur cette matière qui se sont généralisés dans les facultés de droit depuis 2011 à destination des étudiants, des professionnels, des membres d’associations ou des religieux ; ils sont d’ailleurs obligatoires pour les aumôniers rémunérés depuis 2017. Il y a aussi les nouveaux modules de formation initiale et continue créés dans les écoles de service public. Le Code recouvre une part importante de ces derniers en abordant les questions en lien avec le fait religieux de droit administratif, de droit des services publics, de droit de la fonction publique et de droit de la domanialité publique. Il présente également des règles de droit constitutionnel, pénal, civil, fiscal et social, sans oublier celles issues du système juridique international et européen des droits de l’Homme.
Comment s’articule la structure du Code pour concilier rigueur normative et accessibilité ? Quels choix ont présidé à l’organisation des textes et à l’intégration des commentaires doctrinaux ?
Les auteurs : Deux choix ont été opérés. Le premier est de contextualiser les règles et principes commentés. L’ouvrage est centré sur la bonne compréhension de règles juridiques et déontologiques, mais l’introduction rédigée par Philippe Portier, Éric Anceau et David Mongoin permet de replacer le principe de laïcité et la gestion du fait religieux dans leur contexte sociologique, historique et philosophique. Par ailleurs, l’ouvrage ne se limite pas à l’étude de la laïcité, principe de droit public français qui s’applique uniquement à l’État, aux personnes publiques et aux services publics. De nombreuses questions se posent dans d’autres cadres pour justifier l’adjonction de l’expression « fait religieux » à son titre. La préface de Michel Miaille souligne combien ces questions imprègnent toutes les facettes de la vie d’une personne, de sa naissance à sa mort, en passant par son parcours scolaire, professionnel et citoyen.
La première partie du Code traite notamment du prosélytisme, des associations cultuelles, des cimetières, de l’alimentation, du couple et de la parentalité, du droit des étrangers, de l’entreprise ou des associations. Les services publics hospitaliers, de la justice et de l’enseignement ne sont pas oubliés. La seconde partie permet de se familiariser avec les droits locaux d’Alsace-Moselle ou d’outre-mer, avant que les deux derniers titres ne présentent ceux du Québec et de la Belgique. Comme l’écrivait Régis Debray en 2002, « Ne le nions pas : le fait religieux est de bonne diplomatie […] Chacun en a sa part et tous l’ont tout entier ». Les juristes que nous sommes notent donc qu’elle respecte également le principe d’égalité entre les convictions philosophiques et religieuses, qui apparaît dès les premiers commentaires du Code.
Dans le prolongement de ce premier choix, le second consiste à ne pas se limiter aux dispositions constitutionnelles et législatives. En premier lieu, les sources du droit de la laïcité sont aussi jurisprudentielles. Tandis que le Conseil constitutionnel a contribué à définir le contenu du principe, la Cour européenne des droits de l’homme l’a jugé conforme à la Convention et précisé le régime juridique de la liberté de pensée, de conscience et de religion. Quant à la Cour de cassation et à la Cour de justice de l’Union européenne, elles se sont prononcées sur le droit de porter des signes religieux, notamment au travail, tandis que le Conseil d’État précisait les conditions d’application du non-financement public des cultes et de l’interdiction d’apposer des signes sur les bâtiments publics et dans les services publics.
En second lieu, il existe des circulaires interprétatives dont la connaissance est indispensable, en particulier s’agissant de la laïcité scolaire : celles de Jean Zay des 31 décembre 1936 et 15 mai 1937, celle du 18 mai 2004 relative à la mise en œuvre de la loi du 15 mars 2004, de même que les chartes affichées dans les services et les guides destinés aux agents.
En dernier lieu, les usages et la coutume prennent une place importante dans cette branche du droit, parce qu’ils peuvent justifier le maintien de pratiques à connotation religieuse, telles que les sonneries de cloches ou les appels à la prière, et parce qu’ils ont contribué à façonner les régimes juridiques locaux. Ces sources, en apparence hétéroclites, présentent en réalité une unité. Elles définissent une conception particulière du principe et illustrent l’autonomie de cette matière.
Pourquoi ce Code constitue-t-il désormais une référence indispensable pour appréhender la laïcité et le fait religieux dans le cadre juridique français ? Quels apports spécifiques offre-t-il par rapport aux instruments existants ?
Les auteurs : Dans son Discours préliminaire sur le projet de code civil, Portalis prévenait qu’un code « quelque complet qu’il puisse paraître n’est pas plutôt achevé que mille questions inattendues viennent s’offrir au magistrat ». Il nous incombe donc de préciser que le Code de la laïcité et du fait religieux a renoncé à toute ambition d’exhaustivité. En revanche, l’appréhension horizontale du principe, ainsi que son approche transversale, permettent aux professionnels du droit, aux référents laïcité et aux élus locaux de l’aborder non plus de manière cloisonnée, mais globale. Nous avons refusé de prendre des positions doctrinales en excluant toute interprétation ; lorsque des zones grises demeurent, nous avons choisi de présenter les différentes lectures possibles. Les maîtres mots du Code sont la transversalité, l’objectivité universitaire et la pédagogie. L’objectif est de favoriser des discussions apaisées autour d’un principe trop souvent instrumentalisé. Jean Rivero écrivait en 1949 : si « le mot [laïcité] sent la poudre », une fois « le seuil du droit franchi, les disputes s’apaisent ».
Propos recueillis par Anne Pelcran, rédactrice en chef.
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