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Jugement de la 13e chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Paris du 30 octobre 2024. Une fonctionnaire de police est poursuivie pour prise illégale d'intérêts à propos d'une procédure d'attribution de logement. Le tribunal constate que l'infraction est matériellement caractérisée. Son avocat ayant plaidé l'absence d'élément intentionnel en faisant explicitement référence à l'arrêt de la CJR du 30 novembre 2023 ayant relaxé M. Dupont-Moretti des fins de la poursuite du chef de prise illégale d'intérêt, le jugement reprend les termes de l'arrêt avant d'ajouter : « Étant relevé que la prévenue n'a pas fait d'études supérieures en droit ni n'a exercé des emplois qui conduisent à développer ou confirmer des compétences en droit - tels que la profession d'avocat pénaliste ou la fonction de ministre de la Justice, garde des Sceaux - mais est fonctionnaire de catégorie C récemment arrivée dans le service, le tribunal juge que l'élément intentionnel, caractérisé sous l'empire de la jurisprudence antérieure, ne l'est plus sous l'empire de la jurisprudence résultant de l'arrêt précité, et prononce donc sa relaxe ».
On aura peut-être souri à l'ironie d'une partie du propos. Avait-elle pour autant vocation à figurer dans le jugement au soutien du raisonnement suivi par le tribunal ? Le seul fait qu'elle soit mentionnée entre tirets permet sérieusement d'en douter. Était-il opportun qu'elle y figure ? La réponse est identique. Pour cette raison théorique que les exigences d'une justice formelle qui l'emportent encore aujourd'*** postulent des juges qu'ils s'effacent le plus possible pour ne pas laisser accroire aux justiciables que leurs décisions sont empreintes de subjectivité. Pour cette raison plus concrète et immédiate que l'ensemble du paragraphe cité laisse entendre que le tribunal n'adhère pas un instant à ce qu'il énonce. Peut-on en effet sérieusement croire que le seul arrêt de la CJR a mis fin à la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation, ainsi qu'il l'affirme ? C'est plutôt le contraire que soutient le tribunal : que la décision de la CJR est condamnable parce qu'elle s'est détournée de cette jurisprudence traditionnelle dans le seul but de préserver les intérêts d'un homme politique. Retenir qu'un avocat pénaliste et garde des Sceaux n'avait pas, selon les mots de la CJR, une « conscience suffisante qu'il pouvait avoir de s'exposer à la commission d'une prise illégale d'intérêts » : voilà qui n'était pas sérieux aux yeux du tribunal !
C'est donc par antiphrase qu'il se prononce pour produire son effet. Mais s'il vise la CJR et un ancien ministre, il le fait surtout sur le dos de la justiciable, puisqu'il en déduit sa relaxe. On peut en effet imaginer que celle-ci sera condamnée par la cour d'appel à laquelle le jugement n'aura pas donné de motif d'abandonner la jurisprudence de la Cour de cassation, sinon la moquerie. Or c'est là que le bât blesse, car s'il est une des valeurs que doivent porter les magistrats, c'est le respect des justiciables.
Bref ! On pourra avoir souri à la lecture de ce jugement, mais avec un arrière-goût amer en se disant que, s'il existe un « théâtre juridique », ce qu'on vient de lire s'apparente moins à un jugement qu'à une farce, soit une « plaisanterie bouffonne... que l'on dit ou fait pour divertir les autres mais, le plus souvent, pour s'amuser à leurs dépens ». L'ironie judiciaire serait donc à manier avec précaution, et peut-être même à bannir.
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