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Dominique Perben,
ancien garde des Sceaux, associé,
Betto Perben Pradel Filhol,
Partenaire du Club des juristes
D’Aguesseau a écrit qu’il est plus facile de décrire les maux de la justice que d’en prescrire les remèdes. Depuis le 18ème siècle chaque génération a minutieusement décrit les mêmes maux (lenteur, complexité, inefficacité, coût…) et a prescrit les mêmes remèdes (réformes thématiques, interventions ponctuelles…) tous insuffisants à faire disparaître les défauts du système. Elles resurgissent régulièrement, soit à la faveur d’échéances politiques, soit à la suite de crises internes au fonctionnement de la Justice.
Aujourd’*** ces deux moments se rencontrent : volonté et échéances politiques d’une part et crise systémique d’autre part. Ceci montre que le temps n’est plus aux réformes ponctuelles ou thématiques (tout a été fait, dans presque tous les domaines… et au demeurant souvent de façon utile) mais à une remise en question globale de notre système judiciaire.
Nous devrons porter le regard le plus lucide et le plus exigeant possible sur l’organisation et le fonctionnement de la Justice, les missions et l’office du juge. Quel est le rôle du juge dans notre société ? De quoi doit-il s’occuper ? Comment doit-il prendre en charge ses missions ? Quels équilibres entre la justice pénale et la justice civile ?
Ces questions doivent être abordées en se gardant de tomber dans des querelles théologiques. La préoccupation première des français n’est sans doute pas dans les questions statuaires ni dans les garanties des magistrats.
Le constat est celui de l’échec de la plupart des politiques de modernisation conduites par le ministère de la Justice ; coûts, lenteurs, efficacité marginale. Au risque d’une certaine brutalité, il faut bien admettre qu’il n’est pas efficace de confier exclusivement la modernisation d’un service à ceux qui l’ont fait fonctionner.
La modernisation et la transition numérique doivent être abordées globalement et non pas dans une logique compartimentée, si on veut pouvoir impulser des réformes d’ensemble. Le pilotage de cette politique pourrait être confié non pas aux services du ministère de la Justice, mais à une délégation à la modernisation et à la simplification rattachée directement au premier ministre, seul moyen de dépasser les habitudes professionnelles.
C’est un des enjeux majeurs qui porte les interrogations sur la place et le rôle du magistrat dans la société et ce à plusieurs niveaux : il est souvent là où il n’a pas forcément lieu d’être et souvent absent ou en trop faible nombre là où il devrait être.
L’autorité du juge pourrait être renforcée dans les contentieux civils et commerciaux afin de mettre en œuvre des délais butoirs obligatoires, dont la conséquence serait tout à la fois de hâter le cours des procédures et d’inciter à utiliser les MARDS.
Enfin, les méthodes de travail doivent évoluer pour détecter et supprimer les situations fréquentes dans lesquelles une même affaire, surtout parmi les moins graves, peut être successivement examinée par plusieurs magistrats. Cette remarque vaut également pour la remise à plat de l’articulation existant entre les parquets de première instance et les parquets généraux en matière d’exercice de l’action publique.
Dans le champ civil : en matière de protection de l’enfance, le juge n’interviendrait que s’il existe un conflit entre les familles et les services sociaux sur le principe ou les modalités d’une mesure éducative. Dans le champ pénal : la séparation fonctionnelle qui existe entre les parquets de première instance et les parquets généraux en appel trouve aisément sa justification dans les missions de coordination, d’animation et de contrôle de la politique pénale que la loi confie aux procureurs généraux. Cette distinction est beaucoup moins évidente lorsqu’on l’examine du point de vue de l’exercice de l’action publique devant les juridictions.
Si les juridictions et les magistrats du siège sont différents, c’est la même action publique qui est portée devant eux. Le doublon est alors patent. L’exigence du double regard ne concerne que le siège ; pour le parquet, il ne peut s’agir au plus que d’une double approche.
En règle générale : l’open data des décisions de justice est un outil initialement conçu pour le public (concrètement, surtout pour les éditeurs juridiques et les avocats).
En parallèle des efforts à mener sur la transformation numérique et informatique de la Justice, l’open data est une opportunité très concrète à saisir en matière d’aide à la décision des magistrats à qui il faut proposer des déclinaisons thématiques de cet outil. En conclusion, pensons d’abord et avant tout au justiciable. Ilattend des réponses concrètes et rapides de l’institution judiciaire, réponses qui conditionnent souvent sa vie personnelle ouprofessionnelle.
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