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Les décisions rendues par la nouvelle chambre 5-12 de la cour d'appel de Paris, dédiée au contentieux émergent, au devoir de vigilance et la responsabilité écologique, seront toutes scrutées avec attention par les praticiens et les parties prenantes dont les attentes sont grandes en termes de clarification des dispositions de la loi sur le devoir de vigilance.
Les trois premiers arrêts rendus le 18 juin 2024 (CA Paris, ch. 5-12, 18 juin 2024, n° 21/22319, 23/10583 et 23/14324) lui ont permis de préciser plusieurs modalités de mise en œuvre de l'action en injonction de respect des obligations en matière de vigilance en statuant sur les moyens d'irrecevabilité opposés avec succès par les sociétés défenderesses devant le juge de la mise en état.
Les apports de ces arrêts concernent d'abord la phase « précontentieuse », la cour œuvrant à rationaliser le dispositif prévu. S'agissant de la mise en demeure préalable prévue par la loi, la cour confirme qu'elle est exigée à peine d'irrecevabilité de l'action, l'assignation ne pouvant s'y substituer. Son contenu doit ainsi identifier de façon claire les manquements reprochés aux sociétés et comporter une interpellation suffisante afin que chaque société puisse, le cas échéant, se mettre en conformité dans le délai prescrit de 3 mois. Les demandes d'injonction formées judiciairement doivent viser « en substance les mêmes obligations que celles ayant fait l'objet de la mise en demeure s'y rattachant avec un lien suffisant », ce qui laisse la possibilité pour les demandeurs de préciser celles-ci à l'occasion de leur action. Néanmoins, l'irrecevabilité des demandes se rattachant à des obligations ne figurant pas dans la mise en demeure ne saurait justifier le rejet en bloc de l'action diligentée et il n'est pas exigé que l'assignation et la mise en demeure visent le même plan de vigilance en termes de dates. Enfin, la cour estime que le dialogue préalable ne constitue pas une condition de validité de la mise en demeure et donc de recevabilité de l'action introduite au moins 3 mois après.
La Cour favorise ainsi une approche de la phase précontentieuse qui soit raisonnée d'une part, puisque le dialogue est favorisé sans qu'il en soit fait la condition d'une judiciarisation, et souple d'autre part, ne faisant pas de la correspondance parfaite entre la mise en demeure et l'assignation une condition « couperet ».
À cet égard, on ne saurait trop rappeler que la médiation fournit un solide corpus de règles susceptibles d'encadrer cette phase et qu'elle a, dans un autre dossier, vraisemblablement permis de faire évoluer, après assignation de la société concernée, un plan de vigilance dans le sens souhaité par les demandeurs.
Concernant ensuite la problématique des parties à l'action, la Cour précise que le demandeur qui justifie d'un intérêt à agir, peu important qu'il ne soit pas l'auteur de la mise en demeure préalablement délivrée, est recevable en son action. S'agissant des collectivités territoriales, elles sont recevables à condition qu'elles fassent la démonstration d'un intérêt public local, caractérisé par une atteinte spécifique ou un retentissement particulier du risque dénoncé sur leur territoire. Quant à la défenderesse à l'action, la Cour considère que n'est pas recevable l'action dirigée contre la filiale de la société-mère dès lors que le plan de vigilance objet du litige avait été établi et mis en œuvre par cette dernière.
Alors que plusieurs des décisions intervenues en première instance adoptaient une approche téléologique du texte applicable, reposant sur la recherche de l'intention du législateur, de son appréhension par la doctrine partant d'une carence de décret d'application, la Cour, de son côté, suit une interprétation littérale et guidée par un souci d'effectivité, s'en tenant au texte de loi et s'efforçant d'en dompter les conséquences pour éviter qu'elles ne ferment la porte trop vite à un contentieux qui demeure stratégique pour chacune des parties.
On peut désormais s'attendre à ce que la jurisprudence s'efforce également de commencer d'acclimater par anticipation les contours du devoir de vigilance tels que définis au sein de la directive sur la diligence raisonnable en matière de durabilité des entreprises (CS3D), adoptée après moult négociations le 24 avril 2024 ainsi que les guides de mise en œuvre à paraître, destinés à assurer l'intelligibilité et l'effectivité de son contenu auprès des opérateurs économiques.
L'office du juge saisi de ces contentieux émergents reste encore à affiner, voire à carrément définir. Il ne peut être un simple médiateur, tiers censé rapprocher les points de vue des parties sans avoir à trancher leur différend. Il ne doit pas non plus se muer en véritable administrateur judiciaire du devoir de vigilance des entreprises, au risque de s'aventurer dans une immixtion trop grande dans la gestion, particulièrement complexe, des sociétés concernées au mépris de leur autonomie et de la prévisibilité juridique.
Dans une première affaire jugée au fond dans ce domaine (TJ Paris, 5 déc. 2023, n° 21/15827), il a été relevé le soin particulier des magistrats à très prudemment s'astreindre à arbitrer entre les prétentions de chacun, c'est-à-dire : apprécier les mesures adoptées, contrôler leur adéquation et leur efficacité au regard des problématiques en jeu, sans pour autant se substituer aux parties dans l'édiction de mesures précises et détaillées devant être mises en œuvre.
Gageons que les parties prenantes seront particulièrement attentives à ce que le juge ne vienne ni empiéter sur les prérogatives des unes, ni circonscrire excessivement les revendications des autres.
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