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En trois ans à peine, l’intelligence artificielle générative a muté : d’un simple outil d’exécution, elle est devenue une force d’analyse, de synthèse et d’action autonome. Avec l’IA agentique – capable d’opérer sans supervision humaine – et l’IA dite perceptive – anticipant nos besoins avant même qu’ils ne soient exprimés – chaque requête devient une donnée d’entraînement d’une valeur stratégique immense. En quelques mois, ces systèmes ont absorbé des volumes colossaux de savoir-faire humain : méthodologies, raisonnements, styles rédactionnels, voire informations confidentielles. Or, aucun cadre juridique clair ne définit aujourd’*** la propriété ni le devenir de ces données cognitives.
Le débat s’est longtemps focalisé sur les prompts, mais la vraie question est ailleurs : à qui appartient le dialogue entre l’humain et la machine ? Nos échanges traduisent nos intentions, nos raisonnements, parfois nos stratégies les plus sensibles. Ils constituent un actif immatériel, une parcelle de notre intelligence individuelle et collective. Une fois intégrés à des modèles publics, ils nous échappent totalement.
Le droit positif reste désarmé : le droit d’auteur n’est pas applicable à un échange conversationnel. Le brevet ignore le langage. Le RGPD protège la donnée personnelle, et non la logique d’un raisonnement. Seul le secret des affaires offre aujourd’*** un rempart, à condition que l’information ait une valeur économique et soit effectivement protégée. Les IA internes ou privées font cependant figure d’exceptions : dans un environnement fermé, les échanges peuvent être considérés comme des données de travail protégées, couvertes par des clauses de confidentialité. L’entreprise demeure alors propriétaire de ses interactions, sous réserve d’un cadre contractuel solide.
L’urgence de bâtir un droit des échanges conversationnels devient nécessaire, sinon urgente. Il devrait s’appuyer sur trois composantes : le secret industriel, pour protéger les dialogues à valeur stratégique ; des licences d’usage, précisant ce qu’un modèle peut apprendre, conserver ou transmettre ; des mécanismes de traçabilité, comme le hachage ou le marquage numérique, pour prouver l’origine et la paternité d’un échange. Ces outils existent déjà dans le droit de l’innovation ; leur adaptation au champ cognitif permettrait de reconnaître la valeur juridique d’un dialogue avec une IA. Pour les professions où le secret est un élément structurant – avocats, chercheurs, décideurs – c’est même une exigence vitale.
Peut-être, comme l’imaginait Philip K. ***, les IA rêvent-elles de données humaines. Les humains, quant à eux, vivent dans un monde de sensations, d’incertitudes, de contradictions. Les machines apprennent ; nous comprenons. Elles prédisent ; nous anticipons. Elles reproduisent ; nous créons. L’enjeu n’est pas celui d’un remplacement, mais celui de préserver notre capacité autonome à penser. Notre souveraineté cognitive ne se défendra pas à coups de discours apaisants, mais par une exigence : préserver la friction, le doute, l’effort, le réel. Car l’intelligence humaine n’est pas un flux d’informations : c’est un combat intérieur. Si nous renoncions à ce travail, nous ne laisserions pas les IA rêver à notre place : nous réduirions nous-mêmes le champ de nos possibles.
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