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L'IA ET LE DÉNI DE CONSULTATION DU CSE

Grégoire Loiseau, professeur à l’université Panthéon-Sorbonne (Paris I), membre du conseil scientifique du cabinet Flichy Grangé Avocats, commente, dans La Semaine juridique Social du 11 mars 2025, la 1re décision qui ordonne à un employeur la suspension du déploiement d'outils d'IA tant que le CSE n'a pas été consulté. 


Le juge des référés ordonne à un employeur, à la demande du CSE, de suspendre la mise en œuvre d’applications de l’intelligence artificielle jusqu’à l’achèvement de la consultation. Alors que l’employeur arguait que l’application était en phase pilote, le juge a constaté qu’elle se prolongeait depuis plusieurs mois et impliquait l’ensemble des salariés concernés, et ne pouvait donc être regardée comme une simple expérimentation. Impact. – Signe des premiers contentieux liés à l’introduction de technologies de l’intelligence artificielle, la décision fait ressortir le risque d’invisibilisation de celle-ci pour des raisons tenant à une phase d’expérimentation ou qui pourraient tenir à son caractère prétendument positif pour les salariés.  

IA et dialogue social. – À une époque où de nombreuses voix se font entendre pour que le dialogue social s’empare des problématiques de l’intelligence artificielle (IA) au travail, il faut, plus que jamais, être attentif aux conditions de sa réalisation. Une chose est d’en appeler au dialogue social. Dans un rapport remis au président de la République le 13 mars 2024, une commission ad hoc chargée de réfléchir aux enjeux de l’intelligence artificielle préconisait d’en faire l’outil d’une régulation des risques des systèmes d’intelligence artificielle. En début d’année, le 14 janvier 2025, le conseil économique social et environnemental plaidait pour l’adoption d’un accord national interprofessionnel (ANI) sur les modalités de déploiement de la technologie dans les entreprises (CESE, actualités, 14 janv. 2025 : JCP S 2025, act. 39). Le 3 février 2025, c’est un rapport de Terra Nova qui prônait à son tour le recours au dialogue social à propos spécialement de l’intelligence générative. 

Autre chose, cependant, est que le dialogue social ne soit pas seulement incantatoire et de le faire exister. Pour cela, c’est dès le projet d’introduction de la technologie en entreprise que les représentants des salariés doivent être informés et être mis en mesure de discuter du système d’intelligence artificielle à mettre en œuvre, d’en apprécier les risques et de les rapporter aux avantages attendus. Si l’intelligence artificielle peut être un sujet de négociation, elle doit d’abord être désinvisibilisée dans sa mise en pratique. C’est la première étape en même temps que le premier enjeu du dialogue social : désinvisibiliser l’impact de l’intelligence artificielle sur le travail et sur les travailleurs. 

De fait, l’employeur n’a pas toujours conscience – spécialement lorsque la technologie est mise en place pour réaliser des tâches basiques, répétitives, voire pénibles, et qu’elle se présente à ses yeux comme un progrès – qu’elle est susceptible d’affecter les conditions de travail des salariés. Ces derniers n’ont pas eux-mêmes toujours conscience des risques de l’utilisation non autorisée et non contrôlée d’outils d’intelligence artificielle – l’« IA shadow » – s’agissant des logiciels d’intelligence artificielle générative : production de contenus non vérifiés, fuite de données de l’entreprise, etc. De part et d’autre, la transparence est dès lors essentielle et la formation des salariés nécessaire. 

IA et CSE. –Dans cette optique, le comité social et économique est l’un des rouages qu’il faut faire fonctionner. En amont, la consultation prête à être vigilant à l’égard des conditions de mise en place des systèmes d’intelligence artificielle et de leurs répercussions sur le travail. En aval, l’action de proximité des élus du personnel – par leur contribution à l’évaluation des risques professionnels en particulier – peut aider à la détection et à la correction des risques induits par l’utilisation de ces systèmes. Encore faut-il que la mesure soit prise de l’importance de la contribution du CSE. 

 

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