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Produits défectueux - Les avancées de la directive (UE) 2024/2853 du 23 octobre 2024 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux
Etude par Laura Vitale, agrégée des facultés de droit – professeure à l'université de Lille
Élaborée pour répondre aux défis de l'intelligence artificielle et de l'apparition de nouvelles chaînes de production et de commercialisation, la directive (UE) 2024/2853 du 23 octobre 2024 bénéficie d'un champ d'application élargi par rapport à celui de la célèbre directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985, qu'elle abroge. Elle réaménage en profondeur ce régime de responsabilité afin d'assurer une protection plus grande des personnes physiques.
Alors qu'elle s'apprêtait à fêter ses 40 ans, la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux tire sa révérence et cède sa place à la directive (UE) 2024/2853 du 23 octobre 2024, laquelle devra être transposée par les États membres avant le 9 décembre 2026. Aux côtés du règlement 2023/988 du 10 mai 2023 dédié à la sécurité générale des produits, ce texte marque une étape essentielle dans l'adaptation des normes d'origine européenne aux défis du XXIe siècle, au premier rang desquels figurent l'émergence de nouvelles technologies – dont l'intelligence artificielle –, la transition vers une économie plus circulaire et le développement de nouvelles chaînes d'approvisionnement mondiales.
Le long exposé des motifs accompagnant la directive du 23 octobre 2024 dresse le constat de l'obsolescence du texte qu'elle abroge. Celui-ci organisait en effet une responsabilité sans faute du fait de produits qui étaient essentiellement des biens corporels, issus d'un processus de distribution simple et dont on n'imaginait pas qu'ils puissent être promis à une seconde vie compte tenu des modes de consommation qui avaient alors cours. Le contexte technologique et économique en considération duquel fut élaborée la directive de 1985 a cependant connu de profondes mutations et apparaît aujourd'*** largement révolu. Le passage à l'ère du numérique, avec plus singulièrement l'émergence de l'intelligence artificielle, et la montée en puissance des préoccupations écologiques ont radicalement transformé la nature des produits proposés aux consommateurs ainsi que leurs modes de fabrication et de distribution.
Faute de révision – pourtant encouragée par l'évaluation quinquennale qu'elle prévoyait en son article 21 – la directive de 1985 était donc vieillissante. Dans le cadre du programme de la Commission européenne pour une réglementation affûtée et performante (dit « REFIT »), la directive fit l'objet d'un examen qui mit en lumière ses lacunes dans le domaine des technologies numériques émergentes, conclusion ensuite confortée par le Livre blanc de la Commission sur l'intelligence artificielle. Par ailleurs, il était apparu qu'elle n'offrait pas de réponse satisfaisante aux pratiques nouvelles et toujours plus répandues de reconditionnement des produits et de vente via les plateformes en ligne. Enfin, au-delà de l'inadéquation du texte aux défis contemporains, l'expérience tirée de son application a révélé les limites du texte originel, lequel appelait plusieurs correctifs notamment en matière de réparation des préjudices des personnes ayant subi un dommage corporel du fait d'un produit défectueux.
Compte tenu de l'importance des enjeux économiques et politiques attachés à la responsabilité des produits défectueux dans ce contexte renouvelé, l'Union européenne devait se doter d'un texte ambitieux appréhendant les risques inhérents à la production technique moderne. C'est désormais chose faite avec la directive du 23 octobre 2024, laquelle est d'harmonisation maximale et prive de ce fait les États membres de la possibilité de maintenir ou prévoir un autre régime de responsabilité pour les biens qu'elle régit. Avec le règlement (UE) 2024/1689 du 13 juin 2024 – communément appelé « IA Act » –, elle constitue une pièce maîtresse de l'arsenal juridique développé par l'Union européenne en matière d'intelligence artificielle, a fortiori maintenant que la proposition de directive sur la responsabilité civile en matière d'IA est abandonnée.
Sur la forme, le texte est plus long, détaillé et complexe que celui auquel il se substitue, laissant craindre qu'il ne soit guère plus plastique aux évolutions technologiques. Sur le fond, la philosophie demeure la même. Ainsi la directive organise-t-elle toujours une responsabilité sans faute du fait d'un produit défectueux, lequel désigne le produit « qui n'offre pas la sécurité à laquelle une personne peut légitimement s'attendre ». De même, ne sont pas réparés sur son fondement les dommages causés à des biens utilisés à des fins exclusivement professionnelles puisque la directive entend protéger les consommateurs et les personnes physiques. Par ailleurs, quelques ajustements terminologiques sont opérés : le terme « fabricant » est préféré au vocable « producteur » tandis que la « mise en service » ou « mise en ligne » succèdent à « la mise en circulation ». Outre ces éclaircissements, le texte innove à bien des égards. Sans prétendre à l'exhaustivité dans le cadre de la présente étude, on relèvera d'abord que le nouveau texte entend répondre aux besoins suscités par l'ère numérique et l'avènement de nouveaux schémas de production et distribution en faisant entrer dans son champ d'application des technologies rattachables à l'intelligence artificielle et en recherchant la responsabilité des opérateurs économiques qui fabriquent, reconditionnent ou mettent à jour les produits. Cela se traduit par une reconfiguration du domaine d'application de la directive, tant au sujet des produits que des responsables. Par ailleurs, on assiste à une véritable mutation des finalités poursuivies par l’Union européenne via ce texte. Alors que la directive de 1985 se contentait d'assurer la réalisation du marché intérieur en établissant un même niveau de risque de responsabilité pour tous les acteurs économiques, la nouvelle directive offre aux personnes physiques un niveau de protection majoré. Le régime de la responsabilité est en effet réaménagé afin de servir au mieux cet objectif nouveau.
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