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Communication en temps utile et dépôts de documents la veille de la clôture des débats

Écartement des débats malgré la recevabilité des conclusions

Ayant souverainement retenu que le demandeur n’avait pu valablement s’expliquer sur les dernières pièces produites la veille de l’ordonnance de clôture, ce dont il résultait qu’elles n’avaient pas été communiquées en temps utile, la cour d’appel en a exactement déduit que ces pièces devaient être écartées des débats, quand bien même les dernières conclusions déposées par le demandeur avaient été déclarées recevables.

À l’occasion d’un litige portant sur la résiliation d’un bail, une partie avait déposé de nouvelles pièces et conclusions la veille de l’ordonnance de clôture. Celles-ci avaient été écartées par les premiers juges et un pourvoi fut formé contre cette décision. La question des pièces et conclusions tardives revêt une importance pratique considérable. L’article 15 du Code de procédure civile impose, en effet, aux parties de faire connaître à l’autre partie ses pièces et conclusions en temps utiles (CPC, art. 15).

Cette règle fait difficulté lorsque la tardiveté de la communication empêche l’examen des pièces par la partie destinataire et, le cas échéant, la réponse à celle-ci (A. Blaisse, Le problème des pièces et conclusions tardives  principalement devant le tribunal de grande instance) : JCP G 1988, doctr. 3317, Étude). Le juge peut alors écarter des débats les pièces et conclusions qui n’ont pas été communiquées « en temps utile » (CPC, art. 135).

Critères et implications pratiques

Le juge apprécie souverainement si les pièces ou conclusions sont présentées tardivement (G. Deharo, Conclusions sollicitant le rejet des pièces ou conclusions tardives, obs. sur Cass. 1 re civ., 16 mai 2013, n° 12-19.078 et n° 12-19.113 (JurisData n° 2013-009440) : JCP G 2013, act. 596). Le « temps utile », s’apprécie in concreto, compte tenu du volume des éléments communiqués, de leur complexité ou du contenu des conclusions (Cass. ch.mixte, 26 mai 2006, n° 03-16.800 : JurisData n° 2006-033691 ; JCP G 2006, II, 10129, note H. Croze).

Aussi, la jurisprudence impose aux juges de caractériser les raisons concrètes (R. Perrot, Conclusions déposées peu de temps avant la clôture – Les conditions de leur irrecevabilité : Procédures 2004, comm. 6) pour lesquelles l’adversaire n’a pu répondre pour écarter les pièces litigieuses du débat (R. Perrot, Pièces et conclusions déposées après l’ordonnance de clôture : Procédures 2005, comm. 268).

Manquement au principe de la contradiction ?

Tenu de répondre aux conclusions sollicitant le rejet des conclusions de dernière heure (Y. Strickler, Conclusions déposées en vue de la révocation de l’ordonnance de clôture et principe de la contradiction : Procédures 2015, comm. 286. – G. Deharo, La cour d’appel est tenue de répondre aux conclusions sollicitant le rejet des conclusions tardives : Lexis 360° 30 janv. 2014, Dossier d’actualité), le juge ne peut prendre en compte les pièces et conclusions décisives déposées après l’ordonnance de clôture, après révocation de la clôture, sans ordonner la réouverture des débats pour permettre aux parties de s’expliquer contradictoirement (R. Perrot, préc. : Procédures 2005, comm. 268). La question était cependant différente en l’espèce puisqu’il s’agissait de pièces et conclusions déposées avant l’ordonnance de clôture. Plus précisément, les conclusions avaient été déclarées recevables, les pièces qui leur étaient jointes étaient quant à elles écartées des débats.

Aussi, le demandeur à la cassation arguait de ce que le juge qui se prononce sur la recevabilité des conclusions signifiées avant le prononcé de l’ordonnance de clôture ne peut écarter des débats les pièces qui y sont jointes. En outre, la cour d’appel n’avait pas précisé les circonstances particulières qui, si les pièces nouvellement communiquées avaient été déclarées recevables, auraient concrètement empêché le respect du principe de la contradiction, et concluait à un manque de base légale sur le fondement des articles 15 et 16 du Code de procédure civile.

Confirmation de l'écartement des pièces tardives et appréciation souveraine des juges du fond

Le pourvoi est rejeté par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dont la décision fait l’objet de la plus large publication : ayant souverainement retenu que le demandeur « n’avait pu valablement s’expliquer sur les dernières pièces produites la veille de l’ordonnance de clôture, ce dont il résultait qu’elles n’avaient pas été communiquées en temps utile, la cour d’appel en a exactement déduit que ces pièces devaient être écartées des débats quand bien même les dernières conclusions déposées par la société avaient été déclarées recevables ». La solution n’est pas nouvelle et s’inscrit dans une jurisprudence abondante ( R. Perrot, Ordonnance de clôture — Pièces déposées peu de temps avant la clôture : Procédures 2000, comm. 161 ) : une chambre mixte de la Cour de cassation avait notamment déjà jugé que la constatation des faits dont il résulte que certaines pièces versées aux débats avant la clôture ne l’ont pas été en temps utile relève de l’appréciation souveraine des juges du fond ( Cass. ch. mixte, 3 févr. 2006, n° 04-30.592, Sté Exacod c/ Sté L’Inventoriste et a. : JurisData n° 2006-032168 ; Procédures 2006, comm. 70, obs. R. Perrot ).

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